Où trouver du personnel ? Cette question sans réponses occupe le quotidien des professions infirmières et aides-soignantes en pénurie. Les différentes crises chez les infirmières, crise de la formation, crise du recrutement, crise de la fidélisation, des conditions de travail s’emboitent les unes aux autres. Les étudiant·es infirmier·es qui vont au bout de leurs formations se font rares, le recrutement est difficile pour les institutions de soins et le personnel infirmier en poste est à haut risque de burn-out. Parallèlement, la population vieillit et a besoin d’aide face aux difficultés physiques et mentales de la vie. Les soins à domicile au vu du virage ambulatoire concentrent d’ailleurs de plus en plus de soins. Additionner ces besoins de soins, incompressibles, avec les conditions de travail actuelles des professionnel·les noircissent le futur.
L’objectif de cette étude est de mieux cerner la problématique de la pénurie en la chiffrant et en identifiant ses causes et conséquences. Pour ce faire, une extraction des données de la MC montre la croissance des besoins dans le secteur des soins à domicile et une enquête menée par l’IEFH auprès de 1.200 infirmier·es et aides-soignant·es révèle les liens entre l’intention de quitter l’emploi et/ou la profession infirmier·e au regard de plusieurs difficultés : la violence, l’impossibilité de réaliser certains soins, ou le conflit travail-famille dans des secteurs essentiellement féminins. Pour comprendre plus largement le problème, le prisme du care est aussi sollicité. La pénurie des infirmières s’inscrit dans la souffrance de nombreux métiers du care. Aux racines de cette crise, n’y a-t-il pas une crise plus profonde de notre incapacité à valoriser ‘le prendre soin d’autrui’ dans un système profondément individualiste ? Comme si, les mythes du succès et de l’autonomie occultaient un peu trop nos vulnérabilités humaines fondamentales. Les résultats de cette étude montreront que le coeur du métier infirmier est empêché (manque de temps, de présence, d’accompagnement humain) ce qui alimente la désertion d’un métier que l’on fait justement avec coeur.
Bonnes pratiques à l’étranger en matière de revalorisation des métiers du soin
Le cas de quatre pays européens
Cette étude vient apporter un éclairage complémentaire à celle explorant les causes et conséquences de la pénurie des infirmier·es et aides-soignant·es en Belgique, en comparant les différents modèles de santé et solutions apportées par quatre pays : la France, l’Espagne, les Pays-Bas et le Danemark. En effet, la pénurie touche l’ensemble de l’UE et est considérée par l’OMS comme une « bombe à retardement » qui pourrait provoquer une catastrophe sanitaire. Le problème le plus préoccupant est le faible taux de remplacement d’une population vieillissante de personnel soignant alors même que les besoins augmentent. La jeune génération semble réticente à s’engager dans des carrières caractérisées par l’épuisement des professionnel·les, des horaires pénibles, un salaire peu attractif et une perte de sens face aux difficultés de « prendre soin » pourtant au cœur des métiers.
Les difficultés ressenties par le personnel soignant européen dans l'ère post-COVID-19 révèlent des problèmes structurels multiples, parfois spécifiques à certains pays ou sous-régions, parfois transversaux. Partout, des initiatives sont prises en contexte pour tenter de contrer la pénurie de soignant·es. Pour cerner le contexte de cette pénurie, les enjeux et les pistes de solutions existantes en Europe, cette recherche adopte une approche qualitative exploratoire basée sur une revue extensive de la littérature incluant des textes scientifiques, professionnels, des rapports de diverses organisations et des documents de l'Union européenne (UE), des évaluations, des communiqués de presse, des communiqués syndicaux, etc.
Dans un premier temps, ce texte revient sur les particularités de l’Europe de la santé et des systèmes mis en place par chacun des pays mentionnés. Dans un second temps, les profils des soignant·es et des filières de formation sont décrits, en mettant en lumière les points forts et les difficultés qui y surgissent. Enfin, les grandes lignes de propositions qui semblent utiles à retenir sont présentées, afin d'améliorer la situation face au risque pour la santé de la population d’une aggravation probable de la pénurie de personnel soignant.
Date de publication : 2024